Ca fait longtemps déjà que je veux vous parler du petit village d’Horcon. C’est l’un de mes endroits favoris pour aller se relaxer au bord de la mer. Horcon, c’est une petite crique qui vit au rythme de la pêche artisanale, l’un des derniers recoins de la côte centrale du Chili qui reste préservé de l’urbanisation galopante et uniformisante.
Sur la petite plage de sable fin s’alignent les lanchas, les traditionnelles barques de pêche jaunes et bleues, à l’abri du gros temps. A Horcon, contrairement au reste de la côte centrale, l’eau est claire et calme: les vagues vont se briser ailleurs. Mouettes, cormorans et pélicans rôdent autour des embarcations, guettant le moindre reste de crabe ou de poisson délaissé par les pêcheurs. Il faut voir leur manège quand, en fin de matinée, les bateaux reviennent de la haute mer avec leur butin, et vident leur stock des coques de bois.
Il faut aller à Horcon pour le midi, quand les pêcheurs sont de retour et vendent le poisson à la criée, quand les chevaux de trait s’attellent aux bateaux pour les tirer jusqu’en haut de la plage, quand les oiseaux se querellent pour quelques bouts de poisson laissés à leur intention par les pêcheurs…
Sur l’îlot qui fait face à l’anse, Saint Pierre, patron des pêcheurs, mène sa barque entre les rochers peinturlurés de guano. A l’autre bout de la crique, une falaise percée à la mode d’Etretat ferme l’accès au village, et surtout interdit toute construction nouvelle. A seulement quelques centaines de mètres de là, les grands buildings façon La Grande-Motte sont légion.
De l’autre côté de la falaise, il y a la plage Cau-Cau, sans doute l'une des plus belles du Chili. L’une des plus inaccessibles, aussi. Encastrée entre deux falaises abruptes, la plage n’a qu’un seul chemin d’accès, une sorte d’escalier plus que délabré qui descend dans la forêt. La descente est fatigante et dangereuse (on enjambe les rondins plutôt qu’on ne descend les marches), mais la plage en vaut la peine.
Pendant deux étés, l’accès à Cau-Cau était carrément fermé. Le chemin passe en effet au milieu d’une propriété privée, et le propriétaire des lieux, qui en avait assez du passage à toute heure de la journée et de la nuit, a un jour érigé un mur à l’entrée du sentier. Du jour au lendemain, tous les estivants se sont retrouvé privés de plage. Finalement, le gouvernement provincial a trouvé un accord avec le propriétaire, qui laisse l’accès libre durant la journée, et ferme le sentier la nuit.
Son attitude n’est pas très démocratique, mais il faut comprendre la volonté des habitants de Horcon de protéger et jalouser leurs trésors. Le village, je le répète, a su garder un cachet unique. C’est sans doute pour cela qu’une petite colonie de hippies y a élu domicile. Au milieu des familles de pêcheurs, on croise parfois dans le village de vieux barbus à la Ravi Shankar, poitrail nu, peau basanée. Et la décoration fantaisiste zen de certaines bicoques atteste de leur présence.
Les maisons, tiens. J’allai les oublier. Horcon est un patchwork de cabanes de bois bigarrées, toutes plus pittoresques les unes que les autres, décorées souvent avec excentrisme, la plupart du temps avec goût. Et en parlant de goût, un dernier détail: on trouve à Horcon les meilleures empanadas de mariscos (sorte de beignets aux fruits de mer) de toute la côte. Je m’en pourlèche les babines rien que d’y songer!