C'est la triste nouvelle du moment. Les deux dernières grandes dunes de Concon, bien que faisant partie d'une zone protégée comme Sanctuaire de la Nature, sont menacées de disparition. Le site a une valeur écologique et historique, et non des moindres (à titre personnel, c'est l'un de mes lieux de promenade préféré). Le champ dunaire de Concon est considéré comme les restes les plus méridionaux du désert fleuri, quand le désert d'Atacama s'étendait jusqu'à la zone centrale du Chili, il y a plusieurs millions d'années. Il abrite un écosystème unique, déjà largement fragilisé par la réduction de son territoire. Certaines des 240 espèces de faune et flore recensés ont disparu depuis 2005.
Pourquoi donc ce site est-il menacé? Parce que la volonté politique de protéger les dunes a peu à peu cédé face aux lobbies de l'immobilier. Les promoteurs arguent qu'il existe une forte juteuse demande immobilière dans cette zone. Et ils ont raison. Les appartements de luxe avec vue sur la baie de Valparaiso sont effectivement très prisés. Mais ce qu'ils ne semblent pas comprendre, c'est qu'à détruire ce qui reste des dunes, ils détruiraient tout ce qui fait le charme et l'identité de Concon. C'est refaire les mêmes erreurs que leurs confrères européens ont effectué jadis sur la Côte d'Azur ou la côte espagnole, où l'urbanization à tout prix a fini par faire perdre leur valeur aux sites dénaturés.
Revenons un peu en arrière. En 1993, le président de la République Patricio Aylwin signe un document qui donne au champ dunaire de Concon le classement de Sanctuaire de la Nature. A l'époque, il s'agit de protéger 50 des 150 hectares de dunes existantes. Je n'ai jamais vu ces 150 hectares. Lors de ma première visite au Chili, fin 2005, la majorité des dunes avait déjà disparu, laissant place à de modernes édifices. Ne restent aujourd'hui que les deux plus grandes, tutélaires et emblématiques. Pourquoi? Parce que l'ensemble de ces terrains appartient à des promoteurs immobiliers. C'était déjà le cas à l'époque d'Aylwin. Ce qui explique que seulement un an après la signature du décret, le même président Aylwin, cédant aux pressions des lobbies, a réduit la zone protégée de 50 à 12 hectares. Une peau de chagrin.
Depuis, la municipalité de Concon a signé, en 2005, un accord avec l'entreprise immobilière propriétaire du terrain couvrant ce qui reste du champ dunaire. Celle-ci s'est engagée à conserver 19 hectares comme réserve naturelle. Mais cela ne l'empêche pas de construire sur la plus haute dune, qui s'élève à 130 mètres au-dessus de l'océan mais ne fait plus entièrement partie de la zone protégée. A l'heure actuelle, riverains, écologistes et politiques ont demandé à l'Etat d'intervenir et d'expatrier la compagnie immobilière. C'est légalement possible et légitime, dans le mesure où il s'agit de protéger le patrimoine local. Mais le gouvernement, en partie dirigé par des entrepreneurs et ex-entrepreneurs, sera-t-il de cet avis?
Cela n'a malheureusement rien de nouveau, dans un pays qui a failli sacrifier une réserve naturelle marine pour installer une usine thermo-électrique à Punto de Choros, qui a frôlé la catastrophe écologique en permettant des forages sur le site des geysers d'El Tatio, et qui s'apprête à installer une série de grand barrages en Patagonie. Un projet titanesque qui aurait pour effet de redessiner le cours d'eau de plusieurs rivières, de ravager l'écosystème sur des centaines de kilomètres carrés, et de couper en deux les terres vierges de Patagonie pour y installer des lignes à très haute tension jusqu'à Santiago, à 1700 kilomètres plus au nord. Une immense estafilade au coeur des forêts millénaires.
Rien d'étonnant, dans un pays qui ouvre grand ses portes à Monsanto et autres promoteurs de semences transgéniques, au mépris de sa population rurale qui vit en grande partie de sa petite production agricole. Et qui permet à ses mêmes apprentis-sorciers de faire breveter leur semence pour en obtenir la propriété intellectuelle, interdisant de facto aux paysans locaux de produire leur propres grains et cultiver leur propre variété (je résume, c'est beaucoup plus compliqué que ca).
Mais comme les manifestations se multiplient au Chili ces derniers mois (pour la gratuité de l'Education, contre les projets hydro-élecriques en Patagonie, entre autres) et que la cote du gouvernement est à peu près aussi basse que celle de Sarkozy, il y a de l'espoir. Et si vous voulez apporter votre pierre à l'édifice grain de sable à la dune, vous pouvez rejoindre le group Red Duna Libre sur Facebook: http://es-es.facebook.com/pages/RED-DUNA-LIBRE/164552700288078?sk=wall et signer la pétition en ligne à cette adresse: http://dl.dropbox.com/u/357571/DUNA%20LIBRE/Red_Duna_Libre/Unete.html.