Mais peu importe ce que l'on commémore, ce qui importe aux yeux des Chiliens, c'est la célébration, qui dure trois jours et trois nuits. Certes, il y a les défilés militaires, discours officiels et tout le tintouin protocolaire. Mais le sentiment patriotique des Chiliens s'attache assez peu aux faits d'armes des ancêtres. C'est avant tout une grande fête populaire, où l'on se réunit en famille, entre amis, ou au milieu d'une foule de gens dans les "ramadas", sortes de grands banquets en plein air (pensez aux festins des albums d'Astérix, ca vous donnera une idée).
Les Fiestas Patrias, c'est le moment de l'année ou les estomacs grandissent, grandissent pour ingurgiter des kilos de viande au barbecue et des litres de chicha (un vin nouveau cuit, très sucré) et autres boissons alcoolisées.
Les Fiestas Patrias, c'est le moment où l'on peut commencer, normalement, à sortir les vêtements d'été (ce n'est que le début du printemps, mais avec l'alcool, ca tient chaud)
Les Fiestas Patrias, c'est le moment où les propriétaires de salles de gym et les vendeurs de Weight Watchers commencent à se frotter les mains: après les kilos pris pendant les fêtes, il faut se mettre à la diète en prévision de l'été.
On pourrait faire une liste beaucoup plus longue, mais je vais m'arrêter là. Ce que je trouve plus intéressant, c'est que les Fiestas Patrias, c'est peut-être le seul moment de l'année où l'on ravive le concept de "chilénité". Soudain, la danse traditionnelle de la campagne, la cueca, se rappelle au bon souvenir des citadins. Durant quelques jours, il est de bon ton de célébrer les paysans, les "huasos", et leurs coutumes ancestrales -que l'on ignore ou raille durant le reste de l'année.
Septembre est un mois chargé en célébrations au Chili. Une semaine avant la fête nationale, on célèbre le 11 septembre, jour du coup d'Etat de Pinochet et la mort de Salvador Allende. Aujourd'hui encore, l'armée chilienne commémore officiellement le coup d'Etat. Et le commémore plutôt comme un événement positif. D'ailleurs, l'ancien vice-commandant en chef des armées a qualifié Allende de "pire président de l'Histoire du Chili", et affirme que le coup d'Etat et les violences commises sont "de la faute des socialistes".
Côté socialiste, beaucoup déplorent que l'on commémore la mort d'Allende le 11, plutôt que le 4 septembre, jour de son accession au pouvoir. Ce serait certes plus joyeux, mais l'Histoire retiendra surtout les événements du 11 septembre, et Pinochet et Allende resteront indéfectiblement liés. 36 ans après le coup d'Etat, il y a toujours des manifestations et échaufourrées à Santiago le 11 septembre. Et il est probable que durant de nombreuses années encore, partisans de l'un et de l'autre commémorent simultanément le même événement, mais avec des visions totalement opposées.
Après ca, on peut comprendre que pour la fête nationale, une semaine après, on se soucie surtout de bien boire et manger!