Il y a encore pas si longemps, on concevait les centres commerciaux comme de grands cubes d'aggloméré et de béton aux allures d'entrepôt, vides d'âme, dénués d'originalité, aussi froids et amicaux qu'une salle d'attente de chirurgien-dentiste. On y venait, on faisait ses courses, on en ressortait, point final. Il y avait une vie après le shopping.
Et puis d'astucieux commerciaux et entrepreneurs se sont rendus compte qu'en créant des lieux plus accueillants, plus ludiques, ca changerait la donne en invitant les clients à rester plus longtemps. Donc à consommer plus. C'est ainsi que restaurants et cinémas, entre autres, se sont peu à peu immiscés entre les supermarchés et les magasins de prêt-à-porter. Mais cela restait tout de même de grands cubes en forme d'entrepôts. Un peu plus chaleureux, mais de grands cubes tout de même. Suffisant pour les Etats-Unis, où la majorité des clients de ces "malls" sont pragmatiques (on vient pour acheter, pas pour aller au musée!), mais pas assez pour des pays plus raffinées, ou tout simplement attachés à l'atmosphère d'une rue commercante.
Où donc veut-il en venir avec son explication pseudo-historique un brin rasoir sur les centres commerciaux? A ceci. Au Chili, et sans doute dans beaucoup d'autres pays, une nouvelle génération de ces fameux "malls" a vu le jour récemment, qui ne ressemble en rien au modèle de leur ancêtres nord-américains. Les entrepreneurs et commerciaux ont compris que l'architecture, la décoration, l'ambiance jouent un rôle important dans la pulsion d'achat. Ils ont donc commencé à imaginer des projets imitant l'atmosphère des rues commercantes. Au lieu d'enfermer les magasins dans un vaste quadrilatère, on les laisse à l'air libre, on crée des artères piétonnes, des placettes, des jets d'eau, des bancs. Bref, on recrée un faux centre-ville. Plein de magasins, des restaurants, des lieux de divertissement, pas de voitures...
Les (nombreux) détracteurs de ce type de mall affirement que c'est du toc, que c'est encore plus faux qu'un décor de cinéma. Certes. Mais il faut avouer que c'est nettement plus agréable que les centres commerciaux aux airs d'entrepôt d'autrefois. Ces nouveaux malls invitent à y rester jusqu'à tard le soir. Plus que des sites de shopping, ce sont devenus des lieux de vie. Et c'est sans doute ce qui les rends plus dévastateurs encore pour les petits commerces de centre ville. Mais au Chili, il y a encore beaucoup d'eau à couler sous les ponts et à fondre des glaciers avant que ceux-ci ne péréclitent.
Personnellement, je préfère donner mon argent à des commercant indépendants plutôt qu'à des grandes chaînes de magasins. Mais je n'ai rien contre ces lieux "artificiels", tant qu'ils ne provoquent pas l'enlaidissement et l'appauvrissement des centre villes et des quartiers traditionnels. Après tout, quand nos ancêtres ont construit les premières rues bitumées-bétonnées, beaucoup ont dû penser que c'était laid et artificiel. De même, les projets immobiliers incluant des espaces verts au milieu du béton, considérés comme artificiels, sont désormais entrés dans la normalité et l'acceptable. Les nouveaux "centres de vie artificiels" seront-ils bientôt la nouvelle norme urbaine?