Dimanche matin, alors que la France votait, la terre a tremblé au Chili. 6,2 sur l'échelle de Richter dans la région d'Aysen, au sud du pays. 6,2 ça veut dire, concrètement, des fissures de plusieurs centimètres dans les rues, les maisons les plus vétustes effondrées, et huit disparus. Ici à Quilpué, on a senti une réplique vers 6 heures du matin. Degré 5. Ca a grondé et tremblé pendant 6-7 secondes, faisant tanguer les meubles et grincer les portes. Je me suis réveillé, et je suis resté calé au fond de mon lit. Degré 5, c'est suffisant pour faire (stu)peur.
Pas de tremblements ni de stupeur en revanche en France. Depuis le Chili, j'ai quand même pu voir en direct les réactions des quatre principaux candidats après les résultats. Avec un oeil distancié, plus sans doute que tous les chroniqueurs politiques passionnés.
J'ai vu un Sarkozy satisfait, mais qui à mon avis faisait des efforts pour masquer son excitation. Et qui a parlé une demi-heure avant l’heure prévue, et avant les autres candidats. Toujours pressé, ce garçon, toujours envie d’arriver le premier. Ca risque de lui faire du tort durant la dernière ligne droite avant le 6 mai, je serais pas étonné qu’un jour il pète un plomb et dérape.
Le Pen m’a surpris par son discours très court. Comme d’habitude il a joué la victime de la «manipulation médiatique», mais j’ai le sentiment qu’il n’y croyait plus. C’était sans doute le dernier baroud d’honneur du vieux, et il le sait.
J’ai vu un Bayrou content et combattif, il a de quoi l’être après avoir pratiquement triplé son score de 2002, et apparemment serein alors qu’il se trouve dans une position très délicate: de quel côté va-t-il pencher? Il est à la fois l’homme fort de la situation, puisque de son ralliement peut dépendre le résultat final, mais il est aussi en position de faiblesse: choisir l’un ou l’autre camp, c’est se priver d’une bonne partie de ses électeurs pour les futures échéances. Mais l’homme est intelligent et saura louvoyer sans perdre trop de plumes, je pense.
Et puis Ségolène, pour ne rien faire comme tout le monde, s’adresse à la France depuis son pays mellois. C’est un message, ça. Montrer que la France, ce n’est pas que Paris. Et puis une Ségolène très calme, posée, sans grand enthousiasme qui lit visiblement son texte et parle lentement. On pourrait penser qu’elle fait un discours très ennuyeux, sans aucun charisme. Je crois qu’elle a très bien joué le coup. D’une part, elle est deuxième, pas de quoi sabrer le champagne. D’autre part, n’oublions pas que c’est une ancienne disciple de Mitterrand, la force tranquille. Face à l’agitation sarkozyenne, je crois que Ségolène a voulu montrer son calme, sa tranquillité, un visage rassurant et confiant.
Je crois que Ségolène a raison de vouloir se démarquer par sa personnalité, car maintenant, les deux candidats vont «centriser» leur discours pour récupérer les voix de Bayrou, et c’est donc plus sur le plan de la personnalité, je crois, que va se jouer cette élection. A propos, vous avez remarqué? Jean-Marie Le Pen, tout le monde l’appelle Le Pen. François Bayrou, tout le monde l’appelle Bayrou. Nicolas Sarkozy, tout le monde l’appelle Sarkozy, ou Sarko. Et Ségolène Royal, tout le monde l’appelle par son prénom. Parce que c’est une femme? Je crois plutôt que c’est à cause de son patronyme: Royal, ça sonne pas très républicain, ni démocrate. Et puis ça doit tenir à sa personnalité, aussi. Ce ne sera donc pas un duel Sarkozy-Royal, mais bien un "Ségo-Sarko". Ca sonne bien, pas vrai?