A propos d'Egyptiens, il est intéressant de constater les similitudes entre les cultes des pharaons et ceux des indigènes d'Amérique: tous ou presque vénéraient le dieu soleil, et les rites mortuaires de certaines sociétés indiennes étaient quasi-identiques à ceux des Egyptiens. J'ai également été frappé par l'omniprésence des figures humaines ou animales: presque tous les vases, verres, assiettes, amphores ont visage humain, ou forme d'animal; comme pour donner vie et âme aux objets. Certaines représentations d'animaux ressemblent d'ailleurs étrangements à celles qu'on peut voir sur les vases ou autres objets de la Chine antique. Et si le concept d'uniformisation des cultures n'était qu'un mythe?
Mais revenons à nos moutons, pardon, à nos momies. 7.000 après les Chinchirros, l'exposition Bodies fait la même chose. Avec des techniques de pointe, évidemment. Bodies, au cas où ça ne vous dirait rien, c'est une exposition itinérante mondiale, qui montre de véritables corps humains, entiers ou en morceaux. Ca ressemble fortement aux mannequins en plastique de la classe de biologie, sauf que là, tout est réel: les corps proviennent de la morgue, où ils n'ont été ni identifiés ni réclamés par personne.
Et pour conserver tous ces corps, comment on fait? On remplace les parties liquides par un produit spécial qui élimine le sang. Une sorte de cire, qui permet de conserver intact jusqu'aux vaisseaux sanguins. Comme les momies chinchirros, mais en plus sophistiqué. L'effet est saisissant.
Personnellement je ne me suis pas senti très à l'aise face à tous ces corps décharnés, ces organes vivants conservés sous verre. J'avais un peu l'impression d'être devant un étal de boucherie humaine, une sorte de musée des horreurs, malgré les explications données aux visiteurs par de scientifiques. Et la sensation désagréable de regarder à l'intérieur de moi-même, aussi, comme une sorte de zoo introspectif.
Bodies est à la fois éducatif (on ne compte pas le nombre de visiteurs qui jettent leur paquet de clopes après avoir vu un véritable poumon de fumeur, couleur anthracite) et malsain (c'est tout de même du voyeurisme morbide). C'est aussi du bon business, vu le succès mondial de l'exposition, mais c'est un autre débat. En tout cas, ça m'a confirmé une chose: je n'aurais jamais pu être médecin. Même du temps des Chinchorros.