Bien sûr, on ne va pas critiquer la forte mobilisation de la famille d'Ingrid, qui a fait beaucoup pour sensibiliser le monde au problème. Mais ça aide d'avoir des relations politiques haut placées et ses entrées dans les médias. Ce qui m'agace, c'est l'inégalité de traitement entre Ingrid Betancourt et la quasi-totalité des otages séquestrés pour raisons politiques, à l'échelle de la planète, dont on ne parle jamais ou presque.
Vous me direz: sans elle, sans l’action de sa famille, il n’y aurait pas eu grand’monde pour se préoccuper des otages des FARC, à part les autorités colombiennes. Certes. Mais maintenant qu’elle est libérée, je ne suis pas sûr que la mobilisation continue pour libérer les autres otages. Ingrid est devenue une icone, un peu comme l'était Lady Di, dans un autre registre. Elle est l’arbre magnifique qui cache la forêt, à tel point qu’on en oublie les autres arbres.
Et c’est bien ça qui m’irrite, qu’elle soit traitée comme une personne à part. De quel droit peut-on dire qu'une vie humaine est plus importante qu'une autre? Car c'est cela: telle qu’on nous la présente, la vie d'Ingrid Betancourt est bien plus précieuse que celle d'un otage colombien anonyme. Le fait qu’elle ait été candidate à l’élection présidentielle rend-elle sa vie plus importante? A mes yeux, non. Appelez-moi idéaliste, ou communiste si vous voulez, c’est ainsi que je pense.
Mais prenons le problème à l'envers: la vie d'un ouvrier métallurgiste est-elle moins précieuse que celle d'un bon médecin de campagne? La vie d’un chômeur vaut-elle moins que celle d’un grand chef d’entreprise? Un père alcoolique mérite-t-il plus de mourir qu’une disciple de Mère Teresa? Je ne crois pas. Et un otage, qu’il soit prince de Zambie ou employé des PTT, reste un otage. Pas de traitement de faveur. C’est l’égalité dans la souffrance. Comme le service militaire, oui mon adjudant!
Alors Ingrid Betancourt, vous qui accaparez les médias, prouvez-nous au moins qu’ils n’ont pas tort, et utilisez votre statut d’icône et d’ex-leader politique pour ne pas laisser dans l’oubli les autres otages, et contribuer à faire tomber une bonne fois pour toute les FARC.