A l'origine, ils étaient quatre. Deux dinosaires de la politique chilienne (Jorge Arrate, vétéran communiste; Eduardo Frei, démocrate-chrétien qui fut déjà président du pays), une version locale de Berlusconi (Sebastian Pinera, l'un des hommes les plus riches du Chili, actionnaire principal de la compagnie aérienne nationale et d'un canal de télévision, entre autres, candidat de l'Alianza de droite), et un jeune loup dissident aux dent qui rayent le parquet (Marco Enriquez-Ominami, fils de sénateur socialiste).
J'ai suivi dans l'intégralité un débat télévisé entre les quatre mousquetaires. Et j'ai eu l'occasion, ensuite, d'en discuter avec des amis et certains collègues de Global Inc. Et c'est là que ca devient intéressant. Car la plupart de mes collègues, comme la grande majorité des classes moyennes-superieures au Chili, roule pour la droite. Or presque tous s'accordaient à dire que durant les débats, celui qui apparaissait le plus sincère, qui exposait le mieux ses idées, c'était... Arrate, le candidat du PC. "Oui, mais il est communiste!" Sous-entendu, on ne peut pas se fier aux communistes, c'est la peste.
Et là, je reste circonspect. Je peux comprendre que les générations qui ont connu le régime social-communiste d'Allende en veulent à vie aux communistes. A cause de sa politique, ou bien parce que c'est le social-communiste qui a abouti à la dictature. Mais que des gens de 25-30 ans, qui pour la plupart connaissent la politique à peu près aussi bien que la physique quantique, fassent preuve d'un tel rejet envers Arrate juste parce qu'il est rouge, ca me dépasse. S'il paraît le plus sincère, avec des idées intéressantes, pourquoi lui jeter aveuglément la pierre à cause de préjugés anti-coco vieux de 35 ans?
Décidément, la fracture droite-gauche reste encore très vivace même parmi les jeunes générations, bien qu'entièrement basée sur de l'histoire ancienne. Et avec une telle fermeture d'esprit, il sera difficile de faire changer les mentalités. D'autant plus que la jeunesse chilienne rejette de plus en plus la politique en général. Un seul chiffre: les 18-30 ans ne représentent que 9,2% des citoyens ayant défilé aux urnes dimanche, selon les estimations officielles. Or ces mêmes 18-30 ans constituent près de 25% de la population apte à voter.
Il faut dire à leur décharge qu'une loi stupide oblige les citoyens, une fois inscrits sur les listes électorales, à aller voter à chaque élection, sous peine d'amendes. Cette loi, censée faire augmenter le taux de participation, a l'effet inverse: de plus en plus de jeunes en âge de voter ne sont tout simplement pas inscrits. Personnellement, j'estime que dans une démocratie, on devrait avoir le droit de choisir si l'on veut ou non voter. Ca me semble... démocratique!
Bon... au final, je suis encore passé à côté du sujet principal. Zut! En même temps, je ne suis pas sûr d'avoir envie de m'étendre (et encore moins que mes quelques fidèles aient envie que je m'étende) sur le programme de chaque candidat. Donc je vais m'en passer. Je vais juste vous dire qu'il reste deux finalistes pour le deuxième tour: Frei pour le centre-gauche, Pinera pour la droite. Verdict début janvier.