Pour un monde meilleur, une meilleure éducation. C'est une devise que je fais mienne. Une éducation pour tous, sans différence de classes, d'origines ou de ressources financières. Une éducation débarrassée des concepts vénéneux de compétition et de classements. Une éducation humaniste, ayant pour finalité de faire de chaque enfant un individu pensant et responsable, pas de les modeler pour entrer dans le monde du travail.
Au Chili, on est très loin du compte. D'abord, les enseignants sont mal payés, souvent mal considérés. Pire: leur formation universitaire n'est souvent pas à la hauteur, et chaque année, environ un tiers des enseignants contrôlés par le ministère de l'Education recoivent un avertissement pour connaissances insuffisantes. Les différences entre établissement publics aux faibles ressources et écoles privées huppées sont criantes. Par ailleurs, il n'existe pas vraiment de programme unique: par exemple, ce que l'on enseigne au collège municipal de Quilpué peut être très différent (et très en-dessous) de ce qu'apprennent les élèves du collège allemand voisin.
Comme la majorité des écoles, collèges et lycées sont privés, ils doivent attirer la clientèle, et font généralement leur publicité en affichant les bons résultats de leurs élèves. Compréhensible, mais déplorable. Au lieu de tirer le niveau général des enfants par le haut, ce système crée une discrimination des plus faibles, dont personne ne veut afin de ne pas mettre en péril les résultats flatteurs de l'établissement. Et les aides supplémentaires gouvernementales aux écoles de zones pauvres mais affichant de bons résultats ne suffisent pas à pallier cette lacune: au final, ces aides profitent uniquement aux plus méritants, pas à ceux qui sont en réelle difficulté. Bref, dès le départ, on enseigne indirectement aux enfants que c'est la loi de la compétitivité qui dirige.
Le Chili, comme beaucoup d'autres pays en développement, vise à rejoindre le club des pays développés d'ici dix à vingt ans. Ce n'est pas en continuant à délivrer une éducation médiocre et inégalitaire qu'il va y parvenir. Il y a bien de nouvelles mesures mises en place par le gouvernement, visant à améliorer le contrôle des enseignants, mais ca ressemble à du blabla techocratique vide de contenu. Jugez pluot: "Création d'une nouvelle achitecture pour l'institutionalité de l'éducation, créant une agence pour la qualité de l'éducation". Et puis, encore une fois, renforcer les contrôles n'est pas la meilleure chose à faire pour (re)valoriser le rôle d'enseignants en mal de reconnaissance. De la formation adaptée, des séminaires de perfectionnement, voilà ce qu'il faudrait mettre en place. Pas un système de sanctions.
Mais au fond, le petit club des élites qui contrôlent le pays souhaient-ils vraiment cela? Ils baignent déjà dans le confort, et n'ont pas vraiment besoin que les classes moyennes croissent, qu'elles soient mieux éduquées. Car cela mettrait en péril leur marge de manoeuvre, en créant une nouvelle frange de population suffisamment qualifiée pour atteindre le sommet de la pyramide sociale, suffisamment nombreuse pour contrecarrer leurs plans et leurs décisions. Au Chili comme ailleurs, les classes supérieures ont plutôt intérêt à maintenir le reste de la population à leurs chevilles. C'est obscurement égoïste, mais c'est la vérité.